L'étranger
Premier chapitre
Le début de cette tragédie, commença un mercredi de mars, un jour bien salué et bien arrosé par les étudiants De Liège. C’est la grande guindaille de la sainte torée.* Il faut avoir les deux jambes plâtrées pour ne pas y prendre part, rien n’arrête les cortèges à travers la ville, ou la visite du Tchantches. Des slogans du genre» Les nichons au balcon» à l’intention des jeunes filles postées à leur fenêtre, sont ce jour-là monnaie courantes; cela fait partie du folklore. Le cortège converge et s’arrête devant le <taureau de Liège> (statue en bronze grandeur nature), lieu où le pèlerinage atteint son sommet. Quelques plaisanteries et, un discours amusant ont lieu, alors seulement, commence les festivités. Cela se borne à collecter l’argent pour se payer la bière; les plus paresseux vont dans les cafés, ou souvent le patron ce
jour- là offre gratuitement aux étudiants quelques pots. (*) Fête des étudiants de l'Université de Liège en Belgique.
Chaque étudiant se promène avec sa chope attachée solidement au cou. La ville de Liège tolère ce jour là quelques débordements limités, en reconnaissance à la sortie des étudiants, néanmoins, un détachement de quelques dizaines de policiers veillent à ce qu’il n y a pas d’abus. Les uns encadrent le cortège, les autres attendent dans les carrefours. Ce jour-là, par principe, on ne dégaine pas, même les flics sont tolérants et admettent que les étudiants manifestent leur joie. Inutile de dire que ce train- train se prolonge jusqu’à jeudi deux ou trois heures du matin; alors, plusieurs fois remplis de bière, abattus par la fatigue, marchant sur les restes des verres et des bouteilles, cherchant difficilement l’équilibre et le sens de l’orientation, les étudiants regagnent leur cote.
Marc Perrier, est un jeune homme, normalement constitué, bien équilibré, 23 ans, grands, minces, cheveux blonds, coiffure toujours désordonnée. Il fait des études de droit (2eme candidature). Fils d’une famille ouvrière, il perdu son père à l’âge de 3 ans, depuis vit avec sa mère. Sa mère peine pour l’élever et lui fait faire ses études; à la suite de quoi elle tombe malade et dû être hospitalisée. Depuis 2 ans elle est maintenue à l’Hôpital. Aidé en partie par le gouvernement, et travaillant les weekend- end, il put continuer tant bien que mal ses études. Marc mène une vie difficile, partagé entre ses études et les soins à sa mère, dont la maladie l’a beaucoup affecté. A ceci s’ajoute son dégoût pour la société. Le seul petit reproche qu’on pourrait lui faire, c’est d’être idéaliste. Ce qui le rend automatiquement révolutionnaire. Quittant la cérémonie. Qui vient de se dérouler devant «Le toré » (taureau, en wallon), Marc et quatre de ses copains, descendent le boulevard d’Avroy, vers le centre-ville. Habillés pour les circonstances, casquette d’étudiant arborée de fétiches cape noir et écharpe verte, symbole des futures juristes, sans oublier la fameuse chope attachée par l’anse et pendant au cou, ils chantent:
Auprès de ma blonde
Qu’il fait, fait bon
Auprès de ma blonde
Qu’il fait bon dormir
………………………
Ils arrivent au grand carrefour, et tournent vers la place
cathédrale. Ils entrent dans le café du coin. Le patron, un
bon Liégeois, les accueille avec un grand sourire; bon
vivant et partisan de ces festivités, il chanta avec eux et
leur servit à boire. Dans un coin du café, était installé un
couple d’âge respectable, la cinquantaine environ, une
bière, et un café sont posés devant eux. Leur regard suivait
chaque geste de Marc. Ils avaient tous deux l’air étonné. La
dame posa la main sur celle de son conjoint, se pencha sur
lui, et lui chuchote quelque chose à l’oreille. Celui-ci
acquiesça, et fit signe au barman. Le barman se présente:
--Vous désirez?
--Offrez de ma part, une tournée à ces jeunes (désignant
discrètement Marc et ses camarades).
--Bien monsieur!
Le barman leur sert quatre bière et dit:
--C’est de la part du monsieur, là-bas (il fit signe de la tête,
en direction du couple).
Marc et ses copains se retournent, lèvent leur verre et
disent, en direction du couple:
--A votre santé!
--A la vôtre!
La dame dit à son Mari:
--C’est incroyable, tu ne trouves pas?
--Oui, en effet, je n’en crois pas mes yeux!
--Le même visage, le même sourire, la même.
corpulence. (Elle soupir, et ajoute) Mon pauvre Hans
--Allons, ma chérie, calmes-toi, tant qu’il y a la vie,
il y a de l’espoir.
Il lui prend la main et ajoute:
--Tu sais bien que nous n’abandonnerons jamais la
lutte, nous ferons l’impossible pour le ravoir près de nous.
--Je sais Wolfgang, mais c’est plus fort que moi, Je
voudrais parler à ce garçon.
--Si tu me promets d’être discrète!
--Oui c’est promis!
En ce moment, Marc et ses copains remercie le patron,
font un signe amical au couple, et quittent le café en
chantant:
Vive les ingénieurs, ma mère
Vive les ingénieurs, ma mère
Ils chauffent les filles à la vapeur
…………………………………
Wolfgang, se lève à son tour et sort du café. Rejoint-le
groupe et interpelle Marc (avec un accent étranger)
--Excusez-moi jeune homme, puis-je vous parler,
un instant?
Marc se détache de ses copains, lesquels continuent leur
marche en chantant.
--Je me présente: Hermann Wolfgang, je suis
Allemand, je visite votre pays, et cela me fait
plaisir d’assister à votre fête, cela me rappelle ma
jeunesse, j’étais moi aussi étudiant.
--Moi c’est Marc, Marc Perrier, merci pour la tournée!
Les copains de Marc, déjà éloignés de quelques dizaines
de mètres, se retournent, et l’un d’eux, jette à l’intention de
Marc.
--Alors quoi, tu t’amènes?
--Oui j’arrive!
--Monsieur Perrier, excusez mon intrusion, je ne
ne veux pas non plus jouer le trouble-fête, (un
peu gêné) Je voudrais vous demander un
service.
--Un service?
--Oui, je vais vous expliquer (courte pause) Nous avons un
fils de votre âge, à qui vous ressemblez, comme deux frères
jumeaux..
Hermann sort une photo et la tend à Marc.
--Tenez, regarde
Marc regarde la photo et s’étonne lui-même de la forte
ressemblance, il dit
--En effet, c’est troublant.
--Quand ma femme vous vu, elle a été bouleversée.
--Pourquoi, il lui est arrivé quelque chose?
--Pas exactement (pause) Nous ne l’avons plus revu depuis
19 ans la dernière fois, il avait 4 ans (pause), depuis il vit
de l’autre côté du rideau de fer.
---En Allemagne de l’Est ?
--Oui, il est chez des parents de ma femme, on ne le
connaît que à travers la correspondance, et les photos.
--Je suis désolé pour cette coïncidence, je comprends votre
réaction, et celle de votre femme surtout.
--Monsieur Perrier, ma femme est très sensible, elle n’a pas
trouvé le courage de se faire une raison à cette situation
injuste.
--Est je l’approuve!
--Vous nous feriez un grand plaisir, si vous acceptiez de
déjeuner avec nous.
Marc, visiblement touché
--Je crois que je n’ai pas le droit, de vous refuser cette
invitation. Je vous rejoins dans quelques minutes, le temps
de prendre congé de mes copains.
--Merci nous vous attendons au café.
Hermann rejoint sa femme et, lui annonce l’approbation
de Marc. Mme Hermann, mal à l’aise:
--Je crois que nous n’aurions pas du déranger ce garçon,
qu’est- ce qu’il va penser de nous?
--Ne t’inquiète pas, c’est un garçon intelligent, il m’a fait
bonne impression.
Mme Hermann, se sent un peu soulagée. En ce moment,
Marc entre, passe par le bar et chuchote au barman.
--Deux bières et un jus de fruit pour la table du font
Il rejoint ses invités, et enlève sa casquette. Hermann se
lève et fait les présentations:
-- Je vous présente ma femme, Ms Perrier. Je vous en prie,
prenez place.
Le barman arrive avec la commande, sert, puis glisse le
ticket sous le verre de Marc.
--Ms Perrier, vous n’auriez pas dû faire cela, c’est moi qui
vous ai invité!
--Laissez-moi ce plaisir, ce n’est pas tous les jours qu’on
rencontre des parents ! D’autant plus que j’ai perdu mon
père, il y a bien longtemps.
--Je suis navré d’avoir réveillé ce souvenir en vous.
--Madame, je crois que c’est moi qui suis navré, en vous
faisant rappeler votre fils, par ma ressemblance.
--Allons, parlant de choses plus gaies; monsieur Perrier,
quelles études faites-vous?
--Le droit-!
--Un futur avocat, je suppose? C’est une belle carrière.
--Oh, vous savez, je ne me fais pas beaucoup d’illusion,
disons que c’est une façon de combler le vide qui nous
entoure.
--Vous parlez comme un pessimiste, monsieur Perrier.
Marc détourne la discussion.
--Parlez-moi de Hans
Madame Hermann, baisse les yeux.
--Notre Fils a été victime de l’injustice qui a frappé
des milliers de familles comme nous. La malchance
a voulu que notre fils se trouvait du mauvais côté,
quand le Mur de la honte, a divisé l’Allemagne en deux.