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Le blog de M.Hermassi

Demain tous immortels?

6 Novembre 2011 , Rédigé par M.Hermassi Publié dans #Sciences

Demain tous immortels? 

Cette idée vieille comme le monde fait sans doute rêver mais elle dépasse de loin notre imagination. La formidable découverte du docteur montpelliérain Jean-Marc Lemaitre sur le rajeunissement des cellules humaines (lire ci-contre) relance le débat sur la longévité de l'homme. Loin d'être anodine, sa découverte démontre que le processus du vieillissement est réversible. Mais cette quête n'est pas nouvelle au sein de la communauté scientifique mondiale.

En 2006-2007, l'équipe japonaise de Shinya Yamakanaka a ouvert une nouvelle voie en mettant au point des cellules souches non embryonnaires, les Induced Pluripotent Stem Cells (IPSC), dotées des mêmes potentialités que des cellules souches embryonnaires. Les Japonais sont partis de cellules adultes qu'ils ont reprogrammées grâce à un cocktail de quatre gènes, transportés par des virus qui vont s'intégrer au noyau (lentivirus).

Et la morale et l'éthique et la religion dans tout ça ? Comment ferions-nous, pauvres immortels, pour nous nourrir, alors que la population mondiale est passée à 7 milliards d'individus et qu'un milliard de gens ne mangent pas à leur faim ? Certes, la quête du Graal, la Fontaine de jouvence, fait fantasmer nos sociétés qui, avec le progrès de la médecine, acceptent de moins en moins l'idée de la mort et du vieillissement.

Le marché de la médecine anti-âge est depuis plusieurs années un secteur très porteur pour l'industrie pharmaceutique et cosmétique qui investit massivement dans ce secteur.

La découverte de la DHEA par le professeur Beaulieu (lire ci-dessous), le succès commercial du Viagra en matière de sexualité et les recherches engagées sur les maladies du grand âge notamment Alzheimer témoignent de cette mobilisation pour reculer toujours un peu plus loin les frontières du vieillissement.

Déja, en 2040, plus d'un Français sur trois aura plus de 60 ans.


Pr Beaulieu : « On peut gagner 10 ans de vie »

Perplexe, le professeur Émile-Étienne Beaulieu, découvreur émérite avec ses collaborateurs de la sécrétion du sulfate de déhydroépiandrostérone (DHEA) par les glandes surrénales et a décrit son métabolisme et ses fonctions, notamment sur certains aspects du vieillissement. Lorsque nous l'avons interrogé, vendredi, il n'avait pas encore pris connaissance des travaux de Jean-Marc Lemaitre sur le rajeunissement des cellules centenaires. Mais peu importe. Pour l'ancien président de l'Académie des sciences, vaincre les maladies du vieillissement est un leitmotiv de longue date.

« La recherche dans ce domaine, est pour le bien de l'Homme qui vit de plus en plus vieux. Quant à la question de l'immortalité, il n'y a pas de raison pour qu'elle existe plus chez l'homme que dans un morceau de métal. Je travaille beaucoup sur le cerveau où l'on observe des évolutions positives de rajeunissement au cours même du vieillissement. Dans ce domaine, soyons plus modestes que de parler d'immortalité. Si on pouvait acquérir 10 ans de plus, voire plus encore, ce serait déjà un gain non négligeable ».

Professeur honoraire au Collège de France, où il a occupé la chaire « Fondements et principes de la reproduction humaine » de 1993 à 1997, Étienne Beaulieu reste pour le grand public celui qui a découvert où était sécrétée la DHEA, une hormone réputée pour ses effets antivieillissement. Il a aussi mis au point de nouvelles antihormones comme l'antiprogestérone RU486 (Mifepristone) qui déclenche l'interruption précoce de grossesse, facilite les accouchements délicats et intervient dans le traitement de plusieurs types de tumeurs. G.C.


Le chiffre : 122

ans > Jeanne Calment. Née le 21 février 1875 à Arles (Bouches-du-Rhône) et morte le 4 août 1997 dans la même ville à l'âge de 122 ans, 5 mois et 14 jours (elle a vécu 44 724 jours). C'est la personne ayant vécu le plus longtemps, connue à ce jour.


La phrase

« Cette découverte va permettre de développer de nouveaux modèles pour étudier le vieillissement et d'améliorer les possibilités de la médecine régénérative ». Jean-Marc Lemaitre, docteur à l'Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier


Recherche : la course mondiale

Dans le monde entier, les scientifiques qui travaillent sur le vieillissement se livrent à une course acharnée. Rien que cette semaine, trois ou quatre publications de haute facture dans la presse scientifique internationale avancent, qu'expérimentalement, les effets du vieillissement ne sont pas irréversibles. En marge des travaux des chercheurs français de Montpellier, des Américains de la clinique Mayo (Minnesota), dirigés par Jan van Deursen, ont révélé ce mois-ci qu'ils peuvent débarrasser l'organisme des souris de vieilles cellules qui s'accumulent avec l'âge. Leur découverte, publiée dans la revue anglaise « Nature », porte sur un modèle de souris modifiée génétiquement. Elle démontre pour la première fois que si l'on parvient à éliminer des cellules sénescentes (processus physiologique qui entraîne une lente dégradation des fonctions de l'organisme, N.D.L.R.), l'organisme reste en bien meilleur état général.

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"Comment j'ai arrêté le temps..."

Dans les 12 m2 de son bureau de l'Institut de génomique fonctionnelle à Montpellier, le chercheur en génétique Jean-Marc Lemaitre, 48 ans, marié, père de trois enfants, détaille avec une simplicité déconcertante la stratégie scientifique qu'il a mise en place pour rajeunir des cellules de peau prélevées sur des centenaires. L'avancée est considérable, même s'il faudra sans doute attendre des années avant de croiser une déclinaison médicale de cette découverte fondamentale.

Grâce à votre découverte, les cellules du corps humain pourraient ne plus vieillir ?

Non, ce n'est pas tout à fait ça. Nous n'avons pas trouvé le secret de l'immortalité mais nous avons réussi à effacer les traces, les marqueurs du vieillissement de ces cellules. Je dirais que nous avons remis le compteur à zéro en offrant à ces cellules des capacités supplémentaires en matière de prolifération. Mais, après ce rajeunissement, la cellule reprend son cycle de vieillissement.

Votre découverte est une sorte de révolution, malgré tout…

Disons que c'est une donnée nouvelle qui va permettre d'aller plus loin. Cette découverte deviendra une révolution quand elle connaîtra des retombées importantes pour les patients et les personnes âgées. On peut l'envisager bien sûr. La stratégie peut permettre une reprogrammation des cellules des patients âgés. On peut faire de la correction de pathologies invalidantes du vieillissement. Pour que les gens vivent mieux. C'est tout l'enjeu de la médecine régénérative. Mais on est encore bien loin de cette application pour l'instant. On vérifie in vitro ce qui se passe lorsque l'on réintroduit ces cellules dans un milieu.

Quelle est la genèse de vos travaux ?

L'observation. Le fait que chez l'homme, selon les individus, la durée de vie est très variable. Chez les animaux ou pour certains végétaux, l'amplitude est encore plus importante. Certains organismes, un peu primitifs, présentent d'exceptionnelles capacités de régénération. L'hydre d'eau douce, par exemple, est capable de régénérer les cellules de toutes les parties de son corps. Le poisson zèbre peut régénérer une partie de son cœur. Ces mécanismes permettaient de se demander si le vieillissement de la cellule était vraiment irréversible. D'autant que nous avons aussi chez l'homme des pathologies de vieillissement précoce. En 2006, j'ai lancé mon propre programme de recherche. Il a fait l'objet d'un contrat d'Avenir à l'Inserm et j'ai recruté mon équipe à partir de 2007. Nous sommes actuellement six biologistes à travailler sur ce projet et sur d'autres programmes.

On a le sentiment que vos recherches ont avancé très rapidement. Et que la découverte scientifique a été faite en moins de trois semaines.

En 2007, la publication des travaux de chercheurs japonais avait ouvert une première sérieuse perspective scientifique. En travaillant sur quatre gènes, ils avaient démontré que l'on pouvait manipuler le destin d'une cellule différenciée adulte pour la conduire vers un état de cellule souche embryonnaire, donc rajeunie. Mais dans les mois qui ont suivi, des publications ont montré que la sénescence (lente dégradation) de ces cellules constituait une barrière infranchissable. Je suis d'un naturel optimiste. Je me suis dit qu'il manquait quelque chose dans ce programme. Nous avons rajouté deux gènes. Nous avions alors un cocktail de six gènes. Et au bout de trois semaines, les cellules prélevées sur des personnes âgées ont recommencé à proliférer. Car lorsque les cellules vieillissent, elles s'interdisent de se diviser, de proliférer. C'est ce qu'on appelle la sénescence. Au bout d'un mois, nous avions une belle colonie de cellules reprogrammées en cellules souches embryonnaires. Il nous a fallus six mois pour caractériser les observations, vérifier notamment que ces cellules n'avaient gardé aucune trace du vieillissement antérieur.

Votre découverte a été unanimement saluée. Est-ce que cela va changer votre quotidien de chercheur ?

Entre le triomphe médiatique et la recherche scientifique, il existe un gap (un gouffre NDLR). Mais a posteriori, on se dit qu'on a peut-être posé une bonne question qui correspond à une attente du grand public. Ceci dit nous sommes jugés par nos pairs. Et je vais passer mon week-end à remplir un dossier de financement pour pérenniser les activités de recherches de mon équipe.

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